La première ministre Élisabeth Borne a annoncé fin août 2022 le lancement d’une « consultation » sur la fin de vie. Le CCNE a publié un avis sur la fin de vie (Avis n°139) ouvrant la voie à une éventuelle législation de l’euthanasie et du suicide assisté. Cela, en envisageant les situations pour lesquelles la souffrance est insupportable. Il précise cependant qu’il faut développer les soins palliatifs « avant toute réforme ! ». Une convention citoyenne a été constituée. Installée le 9 décembre dernier. Elle doit livrer ses conclusions le 19 mars prochain, en réponse aux trois questions que leur a adressé la première ministre, Élisabeth Borne :
« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »
« Quelle organisation et quels moyens mettre en œuvre pour une application pleine et entière de la loi Claeys-Leonetti de 2016 ? »
Quelles situations de fin de vie nécessiteraient une adaptation du cadre actuel ? »
Cette convention, constituée de 150 personnes tirées au sort s’est engagée dans un travail de discernement et a commencé à formuler des propositions. Les médias nous permettent peu à peu d’en prendre connaissance.
Mais la réflexion n’est pas réservée aux membres de cette convention qui a pour mission d’éclairer les parlementaires. En bien des lieux, des échanges et des temps de réflexion s’organisent. Plusieurs se sont tenus ou doivent se tenir dans le département :
- A Avignon le 30 janvier, débat à l’initiative de la municipalité pour « s’informer et échanger sur la fin de vie ».
- A Cadenet, à l’initiative de la paroisse, conférence par le docteur Souletie, praticien à la clinique Sainte-Elisabeth à Marseille, spécialisée en soins palliatifs, le samedi 4 février à 15h.
- Pour le diocèse, à l’initiative de la pastorale de la santé, le 10 Février à 20h30 à l’Enclos Saint-Jean, table ronde : « Fin vie : Quels enjeux pour la société ? » (avec un juriste, une personne investie dans les soins palliatifs, un médecin gériatre et moi-même.) Le diocèse invite à une journée de jeûne et de prière pour le respect de la vie humaine ce jour 10 février 2023.
Les évêques de France ont proposé une lettre pastorale « Ô mort, où est ta victoire ? » Il peut être important de la lire personnellement et/ou d’en faire l’occasion d’un partage à plusieurs.
Et tout cela n’est pas exhaustif. Nous avons là autant d’occasions offertes pour ne pas passer à côté de cette question importante et de la réfléchir à frais nouveaux.
En effet, bien des éléments sont à prendre en compte et doivent nourrir notre réflexion. Je n’en reprends ici que quelques-uns :
Qui est en situation de choisir ? La personne ? L’entourage ? Le médecin ?
Comment chaque personne peut-elle se situer devant ce choix ? Et faut-il le rendre possible ?
Que peut provoquer le fait de décider de demander la mort pour des membres de l’entourage ?
La profession médicale, elle, souligne la contradiction entre le soulagement apporté par les soins, ce qui est sa mission, et la proposition de donner la mort.
Plus largement, vouloir développer en même temps les soins palliatifs et l’aide active à mourir viendrait faire peser sur chacun le choix de mourir et de vivre.
Quelle société voulons-nous ? Une société de désirs individuels qui s’imposent à tous.
Une société de fraternité ? Et comment appeler fraternel le geste qui donne la mort à son frère qui la demanderait ?
Bien plus largement que les croyants des grandes traditions religieuses, nous sommes héritiers de la longue tradition éthique issue du « tu ne tueras » pas. Pouvons-nous relativiser cela ?
La foi en Dieu nous apporte de précieuses lumières. Elle nous révèle un Dieu qui fait alliance et veut la vie pour chacun. Nous le confessons comme Père, et nous recevons tout être humain comme un frère. La construction de la fraternité passe par cette alliance. Il en est ainsi de celle qui se noue entre le patient et le soignant. Cet autre fragilisé est mon frère, ma sœur à accompagner. Et cela, nous le savons, peut faire surgir en nous bien des ressources d’humanité.
Nous ne sommes pas des individus, mais des êtres de relation. Et la fraternité est la construction d’une relation, d’un avenir. Aussi court soit-il. Donner la mort ou faire que la personne meure devient alors rupture de cette relation.
Plutôt que de décider d’anticiper la mort, attachons-nous à déployer le soin autant qu’il est possible.
Prenons soin des personnes, mais aussi de l’hôpital, de l’EHPAD, et prenons conscience de l’urgence de développer une culture palliative.
« Je mets devant toi la vie ou la mort… Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance. » Dt 30,19
+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon