Le printemps arrive, et avec lui les jours de ciel bleu. C’est un temps idéal pour parcourir les chemins, aller voir ailleurs si l’herbe n’y est pas plus verte, et puis rapporter des graines d’idées et des envies.
Où irons-nous ? Et si nous allions rendre visite à des porteurs de projets qui se sont lancés dans une conversion écologique ? Si nous allions à la rencontre des chrétiens qui manifestent leur espérance par des initiatives et une volonté d’agir ? Parce que Laudato Si’ se vit en actes et que le témoignage est un formidable moteur de conversion ! Nous pourrions découvrir que les barrières que nous avons dressées et qui nous retiennent ne sont pas si infranchissables que cela.
« Toute volonté de protéger et d’améliorer le monde suppose de profonds changements dans les styles de vie, les modèles de production et de consommation (…) qui régissent aujourd’hui les sociétés. » 1. Comme l’amour que nous portons à Dieu ne peut laisser de côté notre prochain et la Création, son expression donne lieu à des modes d’action très variés 2.
Des lieux inspirés
Proches de nous, les sœurs dominicaines de Taulignan produisent leurs plantes aromatiques en agriculture biologique, pour fabriquer huiles essentielles et hydrolat, vendus dans leur boutique ou par le label Monastic. Convaincues que ce choix d’une agriculture biologique est en cohérence avec l’Evangile, elles sont « d’autant plus sensibles à l’enjeu de notre temps où l’humain est tenté de prendre le pouvoir sur la Création (…). Cela nourrit [leur] prière d’intercession ».
A peine plus loin, Solan, monastère orthodoxe féminin situé dans le Gard, au beau nom de la Protection de la Mère de Dieu, a fait ce même choix en 1993 pour ses vignes. Ces communautés font fructifier par leur travail « le merveilleux résultat de l’intervention créatrice de Dieu ».
Un peu plus loin, en Ardèche, la communion œcuménique de Caulmont offre au regard des promeneurs des psaumes d’adoration, placés au cœur de la forêt. Une rencontre avec la joie de la foi, au cœur de la Création.
Plus au sud, le diocèse du Var a inauguré un éco-hameau intergénérationnel comme projet solidaire, en partenariat avec Fratelli UDV, Habitat et Humanisme et le Secours Catholique, afin « d’expérimenter une nouvelle approche de la lutte contre l’isolement qui affecte tant les personnes fragilisées ».
Tout à fait au nord, le presbytère de Tourcoing accueille une colocation peu ordinaire : le lieu est un habitat partagé chrétien où les colocataires « partagent une vie fraternelle, spirituelle et familiale en lien avec la paroisse ». Jardin potager bio et spiritualité, vie de famille et espaces communs pour inviter les habitants du quartier à une soirée cinéma, le presbytère est un lieu d’écologie intégrale !
A l’autre bout, à Bruz, la fraternité laïque Notre-Dame du Désert a construit une micro-maison avec matériaux écologiques, toilettes sèches et énergie renouvelable, pour offrir un lieu de retraite sobre et beau. Le retraitant habite ainsi déjà « le monde d’une manière plus intégrale ».
Nos communautés et nos paroisses sont des laboratoires d’expérimentations pour un monde plus juste et plus fraternel, qui peut déjà se vivre à l’échelle de notre foyer.
Graines d’idées
A notre échelle, soyons nous aussi pratiques. Agissons comme si la prière était insuffisante (et prions comme si l’action était inutile !). Adeline et Alexis Voizard dans leur livre « Comment sauver la planète à domicile », n’oublient pas de (re)dire par leurs exemples d’actions que la conversion écologique intégrale questionne aussi notre rapport aux autres et à Dieu. Petit florilège :
Première approche :
- je fais mes menus en avance pour n’acheter que ce dont j’ai besoin
- je boycotte les aliments emballés individuellement
- je remercie celui qui a préparé le repas
- je renoue avec la pratique du bénédicité
- au bureau, j’apporte ma tasse pour le café et l’eau
- j’attends d’avoir fini ma conversation avant de regarder la notification qui arrive sur mon téléphone
- je fais réparer mes outils informatiques au lieu de les remplacer
- j’accepte de me laisser déranger par une invitation surprise
- j’accorde plus d’importance à ma tenue le dimanche que les autres jours, pour honorer le Seigneur
- j’accorde une place à Dieu dans ma chambre à coucher en y installant une icône, une statue
- je laisse des zones de mon jardin avec des herbes hautes qui favorisent la biodiversité
- je rends service à mes voisins âgés en leur proposant de faire un petit bricolage chez eux
- si ma maison comporte des matériaux ou de la décoration de qualité, je veille à ce que cela ne m’empêche pas d’accueillir et d’en faire profiter les autres. Je garde un juste détachement vis-à-vis de mes biens matériels
- en vacances, je m’arrête pique-niquer ou déjeuner chez des proches au lieu d’acheter un sandwich sur une aire d’autoroute.
- au moins une fois par an, je fais une halte spirituelle de quelques jours : retraite, session ...
Avec un peu plus de pratique :
- j’emporte mes bocaux et Tupperware chez le boucher, le fromager etc.
- je jeûne le vendredi ou a minima je mange maigre ce jour-là
- je me désinscris des réseaux sociaux dont je n’ai pas vraiment besoin
- en faisant mes comptes, je décide de la part de mon revenu que j’accorde aux dons et le concrétise tout de suite par un don
- j’utilise mon smartphone pour entretenir ma foi avec une icône en écran d’accueil, une application qui me permet de lire la Parole de Dieu, qui m’aide à prier
- je ne cède pas aux promotions et ventes privées, je n’achète que ce dont j’ai besoin
- j’achète des jouets made in France dans des matières durables
- si une personne m’offre un cadeau ni écologique ni éthique, je l’accepte joyeusement, la charité étant prioritaire sur tout le reste
- je privilégie les peintures naturelles pour les murs et meubles de ma maison
- je propose à mes voisins d’échanger des graines
- quand je suis dans la nature, je loue le Seigneur pour la beauté de la Création
- avant de rentrer du travail, je m’arrête dans une chapelle pour remettre au Seigneur ma vie professionnelle et être pleinement disponible à mes proches.
Cet extrait illustre bien la conclusion du texte « Enjeux et défis écologiques pour l’avenir », par le groupe de travail Ecologie et Environnement de la Conférence des Evêques de France (paru en 2012) :
Il apparaît clairement que les chrétiens et les communautés chrétiennes ont vocation à se saisir des questions posées par la crise écologique, dans un esprit évangélique.
En ce temps de printemps, que ces graines d’idées germent et portent du fruit au sein de nos familles et de nos communautés !
Marie-Anne Molle
1.Laudato Si’ 5, et Centesimus annus (1er mai 1991) 38
2.Tous les projets sont issus de « 50 lieux inspirés », hors-série La Croix-Pèlerin-Bayard