C’est en tant qu’islamologue et chrétien - prêtre de surcroît - qu’Adrien Candiart aborde la question, ô combien actuelle, du fanatisme religieux ...en en soulignant le caractère paradoxal.
Si ce fanatisme a toujours existé dans toutes les religions y compris dans le christianisme, ce concept ayant été forgé en son temps par les philosophes des Lumières, il est bien entendu davantage question ici du fanatisme islamique.
A l’instar de ces philosophes du XVIIIe siècle, on tente d’ailleurs trop souvent d’expliquer aujourd’hui ce phénomène par des approches uniquement sociologiques ou psychologiques.
Ce n’est pas totalement faux, mais ce n’est pas suffisant :
En effet, on n’administre pas pendant plusieurs années un vaste territoire en faisant la guerre au monde entier tel que l’a fait Daesh, avec pour seule ressource, "une poignée d’imbéciles en proie à un délire collectif..."
Il ne suffit pas d’avoir "des paumés manipulés par des cyniques, il faut aussi des croyants" : des gens qui ont une vision du monde cohérente et rationnelle en adéquation avec le réel .
Pour combattre ce fanatisme, il faut en réalité lui opposer un discours théologique
(domaine malheureusement ignoré, parce que trop souvent perçu comme vain et dogmatique), le seul pourtant qui puisse être entendu par des croyants, parce qu’il est justement un discours raisonné et critique sur la foi et sur Dieu.
Pour tenter d’expliquer le fanatisme islamique , l’auteur nous entraîne dans l’étude du Hanbalisme (Ecole fondée au IXe siècle par Ibn Hanbal, dont le salafisme se réclame aujourd’hui )....cette théologie met au centre de son approche l’absolue transcendance de Dieu dont on ne connaît pas la nature - puisqu’elle est transcendante -, mais la seule volonté.
Dieu est d’ailleurs tellement transcendant qu’il en devient absent !...remplacé finalement par le culte de la Loi, qui, de moyen, devient une fin en soi, c’est à dire une idole.
Pour les tenants de ce « pieux agnosticisme », avoir la foi n’a donc pas du tout le même sens que dans un Occident formé par des siècles de christianisme.
Pour le christianisme, avoir la foi c’est une relation d’amour personnelle avec Dieu...
les œuvres sont les conséquences de cette relation d’amour.
Pour l’islam, aimer Dieu c’est faire ce qu’il veut, c’est obéir à sa loi.
Il n’est pas question d’intériorité mais d’action : pour l’islam, faire c’est être.
On comprend mieux ainsi l’engouement de l’Islam contemporain pour toutes ces questions d’ordre alimentaire ou vestimentaire.
Dans le cas du christianisme, le but est de faire connaître et aimer Dieu : la contrainte dans ce cas est irrationnelle (et contre-productive).
Dans le cas de l’islam, le but est d’agir de telle sorte que la volonté de Dieu soit respectée : la contrainte est alors rationnelle .
Ainsi, on le voit, les moyens que la société propose face au fanatisme, telle la déradicalisation, se révèlent alors bien dérisoires, tant il est vrai que ce phénomène repose sur une croyance dont il est nécessaire avant tout de comprendre la logique propre .
Les seuls remèdes que l’on peut envisager se situent par conséquent davantage sur un plan spirituel :
il faut déjà remettre le discours théologique à l’honneur dans notre société (laïcité ne signifiant pas laïcisme) et encourager par ailleurs un dialogue inter-religieux qui n’est ni confrontation stérile, ni renoncement à la vérité chrétienne, ni syncrétisme, mais qui consiste à savoir écouter et parler de Dieu avec une extrême chasteté c’est à dire sans chercher à se L’approprier .
Il faut donc retrouver une vie spirituelle, tant au niveau de la société qu’au plan personnel, en renouvelant notre vie de prière, car
c’est en priant que l’on apprend à connaître et aimer Dieu.
Or, aimer Dieu c’est fuir les certitudes confortables pour s’engager dans une aventure spirituelle avec quelqu’un qui ne se laisse pas enfermer dans nos images rassurantes et réductrices, mais qui est le seul à pouvoir combler notre désir d’absolu.
En tout cas, on ne détournera pas du fanatisme en proposant de l’eau tiède, mais en offrant la vitalité d’une eau vive jaillissant en vie éternelle.
Claudine DUPORT