1er décembre 2020


Edito de l’évêque> Un chemin d’Avent

Nous venons de célébrer la fête du Christ Roi de l’univers et Lui, l’Innocent crucifié, il continue à attirer tous les hommes à Lui, mais les hommes vont-ils accepter la source de l’Amour, la source de toute Miséricorde ? Et voilà que déjà, l’Église nous invite à tourner nos regards vers Celui qui vient, mais sommes-nous prêts à l’accueillir ? Tout l’enjeu de ce temps de l’Avent est là : quatre semaines pour ouvrir nos cœurs et l’inviter à venir naître en nous, là où nous ne l’avons pas encore accueilli.

En même temps, nous sommes en pleine pandémie, le Covid 19 continue ses ravages, et nous ne cessons de tâtonner sans savoir comment vraiment lutter contre lui. Personne ne sait plus quoi penser, pour les hôtels, les restaurants, les bars, pour tous les acteurs du monde de la culture, il s’agit d’une catastrophe dont certains ne se relèveront pas. Beaucoup de commerçants ne savent pas s’ils vont arriver à payer toutes leurs échéances et déjà le nombre de chômeurs est reparti à la hausse, à une hausse massive. Les plus pauvres sont et seront les premières victimes de cette crise inédite.

Le président de la République nous a donné une feuille de route, et déjà, nous nous demandons ce que veut dire une jauge de trente personnes pour célébrer le culte dans nos églises ; imaginer trente personnes disséminées dans Saint-Sulpice à Paris ou à Saint-Siffrein à Carpentras ou encore trente personnes perdues dans la basilique Saint-Pie X à Lourdes, nous sommes en plein délire. Mais heureusement, ce n’était qu’un couac et déjà il paraît que la jauge sera réévaluée …

Devant tout cela, si nous voulons nous préparer à accueillir Celui qui vient, nous pourrions regarder et l’importance de l’eucharistie et l’importance des fruits de l’eucharistie. À chaque messe, j’entends saint Ambroise nous dire : “Chrétiens devenez Celui que vous recevez !” et saint Jean Chrysostome nous rappeler que je ne peux communier au corps du Christ sans communier avec tous ceux qui sont les membres du corps du Christ, car l’autre est le Christ ! L’eucharistie est vraiment la source et le sommet de toute vie chrétienne et saint Jean qui ne rapporte pas le récit de la cène, nous rapporte les deux grands fruits de l’eucharistie, la loi du service à travers le récit du lavement des pieds et le commandement de l’Amour, “comme je vous ai aimé !”

Oui, notre vie doit s’enraciner dans le mystère de l’eucharistie et de la présence réelle du Christ : et reçu dans la célébration du sacrifice eucharistique, et contemplé à travers l’adoration eucharistique. Alors, nous pourrons vivre du premier fruit de l’eucharistie en nous mettant au service de nos frères, qui nous entourent et qui sont dans le besoin d’une manière ou d’une autre - ayons l’inventivité de la charité. Puis, comme rayonnement de l’eucharistie, vivons du commandement de l’Amour : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.”

Très vite cependant, je découvrirai combien je suis incapable d’aimer vraiment, mais je le sais : Dieu nous a donné son Esprit Saint pour venir au secours de toutes nos faiblesses et nous rendre capables d’aimer divinement sous sa conduite.

Enfin, pendant ce temps de l’Avent, il ne nous est demandé qu’une chose : ouvrir notre cœur, briser la carapace qui bien souvent nous empêche d’accueillir Celui qui vient et le laisser venir naître en nous dans la nuit de Noël.

La crèche la plus réaliste que j’aie jamais vue est celle de lycéens à Carpentras il y a des années : un sac poubelle de deux cents litres, rempli d’ordures et à l’entrée du sac, un petit Enfant Jésus emmailloté et autour de lui les photos de tous les lycéens et du prêtre qui les accompagnait alors.

Oui, préparez vos cœurs à l’accueillir, pour lui permettre de naître en vous, là où vous ne l’avez pas encore accueilli, et découvrez-le présent dans vos frères en servant et en aimant comme Lui.

+ Jean-Pierre Cattenoz,
Archevêque d’Avignon

Paroisses en créations > La crèche, exercice de conversion intégrale

Dans notre région, le temps de l’Avent s’ouvre avec la fabrication de la crèche. Du moins la crèche fait-elle partie des rituels d’entrée en Avent, temps précieux de préparation à la venue de Jésus. Souvent elle devient pour quelques semaines le nouveau cadre de nos prières, et nous prenons plaisir à allumer une bougie devant la Sainte Famille.

La construction patiente de la crèche est en elle-même une préparation à la venue de Jésus : elle peut devenir exercice de relecture de soi-même, dans chacune de nos dimensions et des liens qui nous unissent à Dieu, à sa Création, à tout être qui l’habite. Elle est une illustration en relief de la Cité de Dieu que nous souhaitons construire.

Une conversion par étapes, ... où tout est lié

Il y a d’abord le socle et les fondations, sur lesquels reposera la crèche. Ils nous interrogent sur nos propres fondements, sur la base que nous voulons donner à notre vie de chrétien, sur la manière dont nous voulons œuvrer au développement de la société que nous habitons. Sur quoi ai-je bâti ma vie ? Pour m’élever dans quelle direction ? Benoît XVI dans Caritas in veritate place la charité comme moteur et inspiration nécessaire à l’être humain pour que « [son] action contribue à l’édification de [la] Cité de Dieu universelle ». Il cite encore Paul VI en nous disant que « toute l’Eglise, dans tout son être et tout son agir, tend à promouvoir le développement intégral de l’homme quand elle annonce, célèbre et œuvre dans la charité ». 1

Viennent ensuite les matériaux choisis pour dessiner le paysage. Dans la diversité, du lichen à la branche de chêne qui le porte, du caillou calcaire à la mousse moelleuse, se lit ici la beauté de la Création confiée à l’être humain par Dieu. Son usage représente pour nous une responsabilité à l’égard des pauvres, des générations à venir et de l’humanité toute entière 2. Comme pour cette petite crèche, que nous préparons avec attention pour accueillir un enfant et tout un Royaume, soyons soucieux de préserver la biodiversité et notre environnement, pour continuer à y accueillir dignement la communauté humaine et à y célébrer les œuvres de Dieu.

Puis nous disposons les santons. Il y a là abondance de costumes (l’arlésienne et la vendeuse de fleurs, le grand-père et le cavalier), de conditions (l’aveugle guidé par l’enfant, le notable et le boumian) et de talents (le rémouleur, le boulanger, le bucheron), que nous faisons se côtoyer à l’envi. Chacun à son travail, comme pour souligner que « la dignité de la personne et les exigences de la justice demandent (…) que l’on continue à se donner comme objectif prioritaire l’accès au travail ou son maintien, pour tous »3. Chacun porteur de son identité, car « l’unité de la famille humaine n’abolit pas en elle les personnes, les peuples et les cultures (…) mais elle les rend plus unis dans leur légitime diversité »4. Ayons à cœur de « former avec les autres êtres de l’univers une belle communion universelle »5.

Enfin, plaçons la Sainte Famille au centre de notre quotidien. Tournons-nous vers Jésus par Marie, Reine de toute la Création. La figure de Saint Joseph, protecteur de l’Eglise universelle, peut « nous enseigner à protéger, peut nous motiver à travailler avec générosité et tendresse pour prendre soin de ce monde que Dieu nous a confié »6.

Je vois dans cette crèche toutes les dimensions du chemin que nous sommes invités à parcourir pour nous convertir, afin que notre joie au matin de Noël soit éclairée de Charité.

Marie-Anne MOLLE

1 Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, Introduction, 7
2 Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, Chapitre 4, 48
3 Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, Chapitre 2, 32
4 Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, Chapitre 5, 53
5 Pape François, Lett. enc. Laudato Sì, Chapitre 6, III, 220
6 Pape François, Lett. enc. Laudato Sì, Chapitre 6, VIII, 242

Portrait> La crèche d’Orietta à Saint-Didier

A Saint Didier, près de Carpentras, Orietta Chanal fait une crèche extraordinaire qui, chaque année, attire grands et petits. Cette inventive créatrice façonne les personnages et les édifices locaux, et aime, de surcroît, raconter aux visiteurs, l’histoire locale comme l’histoire sacrée.

La crèche d’Orietta, c’est surtout une histoire d’amour : l’amour de sa maman, la communion familiale, l’amour des autres et l’amour de Jésus. 
Orietta, d’origine italienne, arrive en France en 1952, à l’âge de 5 ans.
De sa maman, elle garde le souvenir d’une femme d’une grande foi, toujours accueillante, exhortant à regarder la beauté dans un quotidien même terne, et surtout disant cette belle phrase :

« On peut vivre avec très peu, mais vivre sans amour, ce n’est pas vivre. »

Bref un exemple de vie « qui pour moi est un lien évident entre l’amour de Jésus et l’amour qu’on peut recevoir sur terre. »


Plus tard, Orietta se marie, les enfants arrivent ...

et toute la famille partage la joie de faire la crèche. « Faire les choses ensemble, c’est vraiment une communion ! Mon mari et mon fils installaient l’eau, ma fille et moi c’était plutôt le décor ! » Un vrai partage familial, mais aussi déjà, la joie du partage avec tous les voisins et amis qui attendaient leur ouvrage !
Orietta n’a jamais tari d’idées : outres les végétaux glanés dans la nature, des pelures d’oignons seront les feuilles mortes sur les petits arbres, le sorgho deviendra un cyprès, le magnolia un magnifique petit sapin, des grains de millet peints en noir seront des olives. Quant aux santons, Orietta les confectionne entièrement, avec du fil de fer, des bouts de tissu pour faire le corps, et de ravissants petits vêtements. Et les dames seront joliment coiffées de petits bonnets crochetés, par ses soins, avec du fil à coudre.

En communion, Orietta l’est encore davantage depuis que sa fille, avant de mourir, lui a demandé de continuer à faire la crèche « car, maman, la crèche c’est nous ! »

« Quand je fais les petits santons ou les petites maisons, je suis dans une bulle de bonheur et je sais que Marie-Laure est toujours là, elle qui disait que nous étions des extraterrestres, tant nous vivions dans l’amour, dans l’amour de Dieu ! »


Au fil des années, la crèche a beaucoup grandi ! 

Elle se déploie aujourd’hui sur plus de 13 mètres de long. Saint Didier, « le plus beau village du département et des alentours » y est toujours représenté.

Orietta est la mémoire vivante de son village, elle prend beaucoup de plaisir à raconter : l’histoire de l’abbé Martin à l’origine de la construction de Notre Dame de Sainte Garde, l’histoire de Saint Gens, du Beaucet, de Venasque, toutes les anecdotes de Saint Didier. Et ceux qui contemplent la crèche, attendent, émerveillés, les récits d’Orietta.

« Moi je prends du plaisir, mais je vois que eux retrouvent leur âme d’enfant »

Aujourd’hui, toujours soutenue par Jésus et par Marie-Laure, Orietta continue à impliquer sa famille dans l’ouvrage de la crèche notamment avec ses petits-enfants, Denis et Mathis. Voilà donc une grand-mère remplie de fierté, mais plus encore, comblée du bonheur de la transmission ainsi accomplie !

Oui, Orietta porte bien son nom puisqu’il signifie : Soleil qui se lève !

Résumé d’un entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le taire » sur RCF Vaucluse,
par Sylvie Testud

Le livre du mois> Éduquer ses enfants à la foi, par Robert Chaïb

L’auteur ne prétend pas être un maître qui, du haut de la perfection de sa méthode, dispenserait l’art méthodique et absolu de l’éducation à force de formules magiques ou de raccourcis faciles, mais il tente, à travers cet ouvrage, de nous donner des conseils glanés au cours de son expérience de père et de professeur, à partir de constats observés.

En premier lieu, avertit-il, l’éducation doit être préventive 

Il faut en effet transmettre la foi très tôt, comme on le fait de sa langue maternelle, pour que celle ci imprègne la vie ordinaire ,donnant à l’enfant de saines habitudes de pensée et de vie.

Si, au prétexte que l’enfant choisira plus tard, on ne le fait pas, ce sont d’autres habitudes, et pas forcément bonnes celles là, qui risquent d’occuper cette terre vierge, car contrairement à ce qu’affirme Rousseau, l’enfant n’est pas bon naturellement.

En second lieu, l’éducation doit être attentive et bienveillante

Il faut d’abord être proche, être à l’écoute des enfants pour aller au devant de leur cœur.

Si on veut être écouté et aimé, il faut commencer par écouter et aimer.

L’amour bienveillant permet en effet l’accès à la raison et à la foi, car « qui n’est pas aimé sera insensible aux raisons, qui n’est pas aimé ne croira pas au Dieu Amour », nous dit Don Bosco.

C’est ainsi que la famille doit être le premier lieu de cette éducation, le noviciat de l’amour où l’amour des parents est le reflet vivant de l’amour divin.

En conséquence, cette éducation doit être cohérente 

L’autorité surgit en effet de la cohésion entre la parole et les actes.

Si nos paroles pour enseigner la foi que nous avons reçue, sont indispensables pour former l’esprit, elles ne seront réellement efficaces sur le long terme, que si elles s’incarnent dans le témoignage vécu, dans notre être qui formera leur cœur.

En d’autres termes, nos enfants croiront en Dieu dès lors qu’ils verront ses reflets en nous.

Enfin, l’éducation doit être proactive, dans ce sens qu’elle est éducation à la liberté

Car il ne s’agit pas de leur apprendre à appliquer servilement une règle préétablie, toute extérieure - ce qui serait sans lendemain -, mais à se diriger eux mêmes selon une loi intérieure pour toute leur vie.

Il faut pour cela les aider d’abord à découvrir le sens de la liberté véritable, qui ne consiste pas à faire ce que l’on veut, mais à savoir ce que l’on veut et pouvoir s’appliquer à le mettre en œuvre.

Est libre en effet celui qui reconnaît le bien et le choisit

Éduquer les enfants à la liberté consiste donc à leur donner les instruments qui leur permettront de développer leurs propres dons, de conquérir et d’exercer leur liberté propre, et de devenir ainsi responsables.

Cette éducation est nécessairement progressive, s’adaptant tout au long de leur croissance...

Tel un tuteur, les parents se retireront peu à peu, au fur et à mesure que la plante se fortifie, pour la laisser prendre son essor.

En définitive, c’est la foi que nous leur aurons transmise qui sera le garant de cette liberté véritable, à condition qu’ils deviennent là aussi protagonistes de leur propre foi, en expérimentant une rencontre personnelle avec le Christ.

Ainsi devenus disciples, ils pourront à leur tour devenir missionnaires.

Claudine DUPORT

Ailleurs sur les médias> La WebTv remercie ses 7500 abonnés !

Alors que le second confinement nous amène à vivre notre foi privés des sacrements et de la capacité de nous réunir, la WebTv du diocèse permet à un plus grand nombre de fidèles de faire communion. 7500 abonnés ne s’y sont pas trompés, qui suivent les propositions spirituelles de la chaîne Youtube.

Avec son contexte particulier, 2020 a vu les activités de la WebTv se multiplier : au-delà des retransmissions habituelles des grands évènements diocésains, la chaîne a permis de maintenir et d’entretenir le lien lorsque nous ne pouvions plus nous rassembler.

Ce fut le cas au quotidien, grâce aux retransmissions des célébrations en direct de la Maison Diocésaine ; puis lors de la fête des Saints.

Chaque jour, la WebTv s’enrichit des méditations de Mgr Jean-Pierre Cattenoz sur l’Evangile : "Goûtez à la Parole de Dieu".

D’autres playlists sont venues s’ajouter au fil du confinement :

Ces productions ne pourraient voir le jour sans les nombreux bénévoles au service de la prise de vue, la production et la diffusion des images : membres de la Communauté catholique Shalom, staffs media lycéens, prêtres... chacun apportant, à travers cette mission, son témoignage de foi et ses compétences techniques.

Merci aux 7500 abonnés qui nous font confiance et nous encouragent à mettre en oeuvre de nouveaux projets ! La webTv du diocèse d’Avignon est désormais la deuxième des chaines YouTube des diocèses en France .

N’hésitez pas à faire connaître la chaîne : https://www.youtube.com/user/dioceseavignon01

Enseignement catholique > Séminaire des Chefs d’établissement 2020 : témoignages des intervenants

Témoignages d’intervenants de l’EMD (Entreprendre, Manager, Développer) Management de Marseille à l’issue du séminaire des chefs d’établissements de l’Enseignement Catholique du Vaucluse qui s’y est tenu.

Béatrice Cavard, Responsable Développement à l’EMD :

J’ai été très touchée par l’ambiance qu’il y avait pendant le séminaire à l’EMD. Cela m’a fait “respirer” de voir des personnalités très différentes, ayant à cœur leur mission de chef d’établissement en se posant des questions profondes sur l’autorité, la subsidiarité, la liberté etc. tout en observant sur les visages, marqués par le travail de la nouvelle rentrée et des préoccupations du moment, une grande joie de se revoir, rire, chanter, louer, prier et partager des souvenirs ! 

Vincent Aubin, Professeur d’Anthropologie à l’EMD : 

L’idée qui me vient, au moment d’évoquer le bonheur de ces trois jours passés avec les chefs d’établissement de Vaucluse, est que leurs élèves ont bien de la chance d’avoir pour directrice, pour directeur, des personnes qui constituent, quand on les réunit, la classe idéale. Il n’y a sûrement pas de meilleurs éducateurs que ceux qui prennent plaisir à s’éduquer eux-mêmes, à se former, à partager leur savoir et leur expérience pour les reprendre enrichis de l’apport des autres. On sent qu’ils aiment ce qu’ils font, et le plaisir qu’ils avaient à travailler ensemble et avec nous était palpable.

Au début de l’Éthique, Aristote énonce cet apparent paradoxe : le bon auditeur d’une leçon d’éthique est celui qui est déjà vertueux, celui « dont les désirs et les actes sont conformes à la raison ». C’est une manière de dire que l’éthique ne s’apprend pas, en tous cas pas comme on peut apprendre les mathématiques ou le droit : un enseignement d’éthique n’est utile qu’à ceux qui sont déjà tournés vers le bien, non pas en théorie, mais en pratique ; à ceux qui aiment déjà ce qu’ils font, qui prennent déjà soin des affaires qui leur sont confiées. Car ce sont ceux-là qui connaissent les vrais problèmes, qui mettent le doigt sur les vraies difficultés, qui se posent les bonnes questions. Je ne l’avais pas compris si vivement avant ce mémorable séminaire : les experts sont le public rêvé.

J’ajouterai seulement que, sur un plan personnel, cette « communauté éducative » soudée, diverse, joyeuse, au sein de laquelle chacun se sent manifestement libre d’être comme il est, m’a rempli d’espérance. On entrevoit ce qu’il est possible de faire, à l’échelle d’un diocèse, pour renouveler, enrichir, densifier la proposition éducative de l’enseignement catholique. Pour bien travailler, chacun dans son établissement, il ne suffit donc pas d’aimer son travail et de bien le faire : il faut aussi savoir s’extraire du travail pour vivre, partager un repas et prier avec ceux qui font ce même travail. Le philosophe Wittgenstein a écrit : « La lumière du travail est une belle lumière, mais qui ne brille d’une réelle beauté que si elle est éclairée par une autre lumière encore. » C’est exactement ce que nous avons vécu : le loisir et la fête, dont relève, par excellence, l’eucharistie, sont la lumière qui fait briller de sa vraie beauté le travail des éducateurs.

Michaël Shanks, Professeur d’éthique à l’EMD :

En écho aux propos de Béatrice et de Vincent : ce qui m’a le plus touché, c’est l’énergie de bon nombre de chefs d’établissement et leur réel souci d’évangéliser tous azimuts - professeurs, parents, élèves - Ils sont réceptifs et partagent leurs idées, les conseils et l’aide pour réaliser leur mission. Ils ont l’humilité de crier “au secours” et de demander quand ils le faut un soutien personnel. D’autres, sans doute par pudeur, manifestent moins ce besoin ou ne l’expriment pas publiquement. 

J’aimerais, à la suite de Thierry Aillet, votre directeur pour encore un an, insister sur la rationalité propre de l’Enseignement Catholique qui est bien plus qu’une rationalité d’organisation ou de management ; elle est une rationalité de la vie, de l’entraide, de l’écoute, de prière et de liturgie ensemble….. C’est cette rationalité-là, axée sur le développement de chacun, qui doit diriger vos établissements ainsi que la DDEC. Vous êtes déjà une tradition vivante et cela impressionne. Je prie pour que vous continuiez sur cette voie. Si vous cessez d’agir, de vous parler, et d’apprendre ensemble - et de crier au secours ! - vos établissements ne disparaîtront pas comme structures, mais seront en état d’inertie et transmettront peu. Coquilles vides, ils ne seront plus dirigés rationnellement, mais tout juste bons à être managés. Bureaucratiquement.

Gardez, je vous en supplie, votre impressionnant dynamisme de pionniers.

Il y a 100 ans dans le diocèse> Autrefois dans le diocèse d’Avignon, en décembre

La neuvaine à l’Immaculée-Conception, 1870, 1920, 1970

En décembre 1870, ce qui est alors appelé la retraite préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception, a rassemblé plus de monde que jamais depuis son institution, aussi bien pour les exercices du matin, avant l’aurore, que ceux du soir, malgré les conditions climatiques éprouvantes. Mais nous sommes alors dans un contexte difficile de conflit armé, et l’attente et l’espérance des fidèles est forte.

Après les prédications du père Briaux, la parole de l’archevêque, Mgr Louis-Anne Dubreil, était très attendue. Lors de la célébration solennelle de la fête, qu’il présidait, le pasteur a voulu encourager et affermir les fidèles dans leur foi.

Sortie d’une cérémonie à la basilique métropolitaine de Notre-Dame des Doms, XIX°
au premier plan, le porte-croix est l’abbé de Terris, futur évêque de Fréjus-Toulon

Après avoir évoqué l’exil du pape à Gaëte et sa délivrance par la France, il revint sur la situation de cette dernière : « instrument de Dieu dans ses grands desseins sur l’Eglise, cette France, qui fut naguère l’ange libérateur de son Pontife, cette France a besoin elle-même de délivrance. Le soldat étranger foule son sol et menace de l’envahir ; elle est prosternée aux pieds de Marie et de Marie Immaculée, pour implorer sa protection et lui demander le salut ».

Dans ces circonstances difficiles, l’évêque a insisté sur la vertu de la prière, en particulier par l’intercession de la Vierge-Marie, « sur la nécessité d’y recourir, principalement dans les jours mauvais ; sur le mystère du retard que quelque fois Dieu paraît mettre à l’exaucer ; sur l’infaillibilité de ses bons effets, quand celui qui l’a fait monter vers le ciel a commencé par se soumettre aux conditions qui la rendent toute-puissante. »

En 1920, le temps était plus clément pour accueillir « en foule les dévots de Marie ». Cette année-là, la neuvaine fut prêchée par le R.P. Hedde, des Frères Prêcheurs. Ce dernier a parlé de « Dieu notre père, notre maître qu’il faut aimer et servir, de la charité envers le prochain, de la grâce. Serviteurs de Dieu, nous accomplissons notre tâche par le travail, l’obéissance ».

En 1970, c’est le père Stanislas Destouesse, gardien du Couvent des Capucins de Bayonne qui assura la prédication de la Neuvaine. Mgr Urtasun, qui loua la science et la disponibilité de ce fils de saint François d’Assise, lui avait déjà demandé de prêcher la retraite des prêtres en 1965. L’archevêque émettait aussi un souhait : « il est essentiel, pour la fidélité totale à Jésus-Christ, pour l’unité et l’élan missionnaire de l’Eglise, de garder ou redonner bien vite à la Vierge toute la place que Dieu veut pour elle… ».

Mgr Henri Lugagne-Delpon, 15 décembre 1970

Henri Marie Emile Lugagne-Delpon est né le 9 janvier 1921 à Sorgues. Nous fêterons dans quelques semaines le centenaire de sa naissance. Etudiant à Lyon, puis à Rome, il est ordonné prêtre le 18 septembre 1948. En 1950, il est nommé vicaire à Cavaillon, en même temps que l’abbé Jean Escalier, sous l’autorité du chanoine Laforce, archiprêtre de Saint-Véran depuis 1924.

Après avoir été directeur de la Maison des Œuvres, il est nommé directeur du Petit-Séminaire en 1955, et distingué du titre de chanoine honoraire en 1958.

En 1968, il est élu évêque de Pamiers, et consacré le 2 juillet 1968 dans la Cour d’honneur du Palais des Papes.

Le 15 décembre 1970, il trouvait la mort dans une accident de la route. Sa vie a été marquée par l’appel, et les vocations, notamment comme directeur du Petit-Séminaire. Au cours de l’homélie de ses funérailles, sa personnalité sacerdotale est évoquée : « si riche que soit sa personnalité, il se savait et se voulait d’Eglise. C’est en Elle, par Elle, pour Elle qu’il était prêtre. Il travailla aussi volontiers en équipe à la Maison des Œuvres, au Séminaire des Jeunes qu’au Conseil épiscopal. Plein d’initiative jusqu’à l’audace, l’obéissance intelligente et active ne lui répugnait pas. Pour ses Archevêques, il fut toujours un collaborateur aussi agréable que précieux. Peu regardant sur les petits côtés de choses, il allait volontiers de l’avant, heureux du renouveau profond de l’Eglise, fidèles aux grands appels du Concile. (…) Son activité débordante ne l’empêchait pas d’être présent à chacun avec amitié ».

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste

Nouvelle évangélisation> Le Congrès Misssion en visite à Rome

En introduction lors de la veillée d’ouverture du Congrès Mission 2020, Raphaël Cornu-Thenard disait :

"Nous sommes l’armée de la tendresse de Dieu pour le monde !
Nous avons le bouclier de la foi, qui nous permet d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais.
Nous avons le glaive de l’Esprit, la Parole de Dieu qui touche en plein cœur.

Armons nous d’humilité, de patience et de bonté, revêtons une armure trouée de partout, une armure de compassion afin de nous laisser toucher par les larmes et les cris de nos frères et de nos sœurs

Nous sommes l’armée de la tendresse de Dieu pour le monde ! ..."

Ce congrès se tenait à Paris, dans des conditions quelque peu inédites, l’organisation faisant preuve de réactivité et créativité pour se soumettre aux contraintes sanitaires.

En cette mi-novembre, voilà que Raphaël Cornu-Thenard, accompagné d’Anne-Geneviève Montagne, se rendait à Rome, pour rendre compte au Saint Père des ces six ans d’aventure.

"Nous lui avons présenté le Congrès Mission à partir des affiches, - merci Atelier des Palmar - le pape a aimé. Et c’est un encouragement pour tous ceux qui aiment Jésus et cherchent à le faire connaître. Il nous a bénis, il nous demande de continuer.

Quand nous lui avons partagé la vision du Congrès Mission de mettre en commun nos ressources et idées comme un laboratoire non seulement des territoires en France, mais aussi du monde, il nous a demandé « mais la France n’est-elle pas le centre du monde ? » - fou rire-...

Le Saint Père a écouté avec intérêt le partage de notre expérience, tant du Congrès Mission que de la mission de rue comme nous l’expérimentons régulièrement.. sa réaction était bien positive. Il commentait l’affirmation du manifeste. « évangéliser, c’est laver les pieds et non les cerveaux..."

Quand nous avons évoqué le délicat équilibre pour concilier accueil inconditionnel et défense des vérités de la foi dans un contexte athéiste militant et de violence islamiste, il nous répond : « le dialogue nécessite d’être au clair avec sa propre identité, et l’identité du chrétien c’est d’abord sa foi. Or il y a une crise de la foi »

Quand nous avons parlé de l’urgence de sortir de nos églises pour aller à la rencontre de nos contemporains, il nous disait « en vous écoutant je pense à la parole d’Apocalypse - je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui - je voyais le Christ à l’intérieur de l’église, frappant à la porte (fermée) pour sortir au devant des gens ». Sortir, sortir...

Quand nous lui avons partagé la grâce de vivre un événement porté pleinement par des laïcs dans une communion forte avec nos prêtres et nos évêques, il nous a remercié de lutter contre le cléricalisme chez les clercs mais aussi chez les laïcs.

Enfin, quand nous avons proposé un Congrès Mission Vatican international il a éclaté de rire... une mission au Vatican ? ça ne marchera jamais ! - fou rire - ...affaire à suivre...

Je reviens heureux d’avoir goûté à nouveau à la simplicité du Saint Père. C’est un homme de foi, direct et entier. il était attentif, je pense heureux lui aussi d’avoir un retour direct du terrain, de nos difficultés, de nos combats.

Oui, nous traversons une grosse période de crise à tous points de vue, une crise environnementale sans précédent, une crise sociale dramatique, une crise politique, une crise religieuse, un athéisme militant, un crise aussi liée aux personnes qui utilisent leur religion à des fins personnelles (de la violence des abus spirituels, sexuels au meurtre...) mais encore une crise de la perte du sens religieux, de la perte de la foi en un Dieu transcendant qui aime les femmes et les hommes, une perte du rapport au Créateur, trop de cléricalisme, crise du respect de la femme, de son rôle à jouer dans l’Église, crise de la liturgie et des divisions au sein de l’Église.

Tout à la fois, voyant partout en France des femmes et des hommes qui se lèvent pour servir ceux qui souffrent pour répondre au cri de la Terre, ou pour faire connaitre le Christ qui console, guérit, sauve. Et connaissant un grand nombre de prêtres, de religieuses ou religieux et même d’évêques extraordinaires, dont la vie est un don total à Dieu et aux autres.

Alors, en conscience et au travail pour améliorer les choses, je vais poser là une affirmation, une conviction profonde, un acte de foi en sortant du bureau du Pape...

Dieu existe et son Église est belle.

Raphaël Cornu-Thenard

Les affiches réalisées par Nicolas de Palmar présentées au Saint Père :

La statue avec les ouvriers (2016) : l’Église est amochée mais chacun peut travailler à la reconstruire

Le visage du Christ (2018) : il n’y a que Jésus qui sauve c’est par l’annonce explicite de sa vie que le monde peut changer

La planète (2020) : le monde attend la consolation !

Patrimoine> Frigolet : l’Abbaye Saint-Michel

L’abbaye se mérite ! Laissez votre voiture à Boulbon. Après 3 km de méditation dans la solitude odoriférante de la garrigue, suivez le Chemin de Croix qui descend en 14 stations - charmantes tourelles crénelées - à travers le vallon boisé.

Les peintures de Sublet

Vous y voilà : le rempart et ses tours façon Viollet-le-Duc attestent de la restauration de l’Abbaye au XIXe après sa spoliation par la Révolution, puis sa transformation en collège, fréquenté par Frédéric Mistral enfant. Rachetée en 1854 par le diocèse d’Aix, son premier Abbé - Edmond Boulbon - le restaurateur des Prémontrés en France - construit l’abbatiale (basilique de l’Immaculée-Conception depuis Jean-Paul II) : un bijou du néogothique troubadour du XIXe s. Le décor pictural - par Sublet, sur le modèle de la Sainte Chapelle - est étonnant de fraicheur. Son mobilier - chaire, bancs, chancel, lustres, porte-cierges, candélabre sont dessinés pour ce monument. Magnifique !

La coupole et son décor

À gauche de la nef, asseyez-vous dans la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Remède pour admirer les boiseries du XVIIe et les 14 Mignards - récemment restaurés - offerts en gratitude par la reine Anne d’Autriche qui vint y implorer un héritier - le futur Louis XIV - et y fut exaucée. Les offices des heures avec les moines vous attendent non loin de là, à la chapelle Saint-Michel, simple, dépouillée, austère, à l’image de la communauté. Pendant les longues soirées du confinement, prolongez votre plaisir en vous penchant sur son Histoire tourmentée : sa fondation vers 1100, six siècles d’histoire agitée, sa fermeture et sa confiscation en 1791, son rachat et sa restauration en 1854, sa confiscation et le bannissement illégal des moines en Italie en 1880 après un célèbre siège de 3 jours par un bataillon de dragons et une batterie de canon… leur retour en 1898, à nouveau la confiscation en 1903 et l’exil à Leffe en Belgique où ils achètent et rebâtissent l’abbaye, et enfin le rachat des bâtiments de Frigolet et le retour des moines en 1922. Une épopée, je vous dis…

François-Marie Legœuil