Au temps béni du carême et dans le contexte si particulier que nous vivons, nous serions tenté de prendre la parole.
Il y a tellement à dire. En premier, on voudrait exprimer, crier l’angoisse d’une société dont plusieurs membres sont tétanisés depuis douze mois par un virus qui fait roder le spectre sinistre de la mort.
Mais il y a davantage de sujets qui se bousculent dans nos esprit et ont hâte d’être portés sur tous les agora, les réseaux virtuels et tous les multiples écrans qui font désormais partie de la banalité du quotidien d’une très grande partie de l’humanité.
Il serait difficile de les passer exhaustivement en revue. Ils sont vraiment nombreux et rivalisent d’importance.
Nous pouvons cependant mentionner l’écologie. Noble enjeu de civilisation, elle court aujourd’hui le risque d’être coincée et paralysée. L’étau des idéologies qui s’affrontent dans de stériles et interminables batailles se resserre jour après jour. L’action simple et efficace en vue de la préservation de la gestion en est ainsi étouffée .
Pensons aussi à la bioéthique. Elle est devenu un jouet entre les mains des législateurs qui rivalisent d’audace dans le plat conformisme. Ils portent toutes leurs attentions au sens du vent pour mieux le suivre, alors même qu’on attend d’eux d’avoir pour unique boussole le sens du bien commun, et non les fluctuations incessantes d’une opinion pas forcément maîtresse de ses inclinations éthiques.
Il y aurait aussi le terrorisme. Toujours à l’œuvre aux quatre coins de la planète, comme le Covid 19…, il sème mort et désolation.
Mais attention, il ne faudrait pas oublier les migrants. Ils continuent d’arriver. Traversant déserts inhospitaliers, populations hostiles et mers agitées, ils débarquent sur nos côtes, survivants héroïques d’une périlleuse épopée. Mais, pour eux, commence un autre parcours de combattant. La terre qui leur semblait promise est elle-même prise dans de violentes convulsions. Ils deviennent l’objet passif de débats et affrontements entre ceux qui aident et ceux qui, du point de vue des premiers, n’aident pas assez.
Dans notre Église diocésaine elle-même, les thématiques préoccupantes abondent. Pour quand le nouvel évêque ? sera-t-il jeune ? pétri d’expérience ? Quel doit etre son profil pour conduire au mieux le peuple de Dieu du Vaucluse au regard de son histoire ancienne et récente ? Et le Festival aura-t-il lieu ? Et les célébrations pascales ? Aurons-nous la joie de vivre la Pâque comme habituellement, ou devrons-nous, comme l’an dernier, nous contenter des ersatz liturgiques qui ont inondé la planète ?
De tous ces sujets, nous aimerions parler. Saisir l’opportunité du temps de carême pour les décortiquer, et, qui sait, trouver des solutions.
Prendre la parole. Et si le temps de carême, c"était tout l’inverse ? Ne s’agirait-il pas avant tout de baisser d’un ton, se taire tout doucement pour laisser place au silence ?
De plonger pour s’échapper de la surface agitée, pour atteindre le calme et la sérénité des profondeurs marines ?
La véritable grâce du carême est là. Elle nous est donnée comme le temps non pas de prendre la parole mais d’écouter la Parole. Précisément parce que Dieu n’est pas indifférent à ce que nous vivons, que cela lui importe que nous ayons la vie et la vie en abondance, justement parce que nos peurs et nos angoisses sont l’objet constant de son attention, Il vient à notre rencontre avec sa Parole.
Si le Seigneur nous entraîne au désert , c’est pour que le bourdonnement incessant de nos multiples et légitimes préoccupations soit happé dans ce silence qui ne s’incline que pour laisser Dieu parler en nos cœurs. Cette Parole délicate pourrait être étouffée si nous persistons à vouloir prendre la parole.
En revanche, Pâques sera pour chacun et pour l’ensemble du diocèse le passage vers la vie et le triomphe de la joie, si au lieu de prendre la parole, nous nous laissons prendre par la Parole.
P. Pascal MOLEMB EMOCK
Délégué de l’administrateur apostolique