Pendant ces deux mois de confinement, deux réalités ont illuminé mon quotidien jusqu’à prendre une place primordiale dans ma vie et dans ce que je voudrais transmettre durant mes derniers mois au service du Seigneur dans le diocèse d’Avignon : l’adoration eucharistique et la banque alimentaire. A priori, rien de commun de l’un à l’autre et pourtant !
Chaque matin, j’avais rendez-vous dans ma chapelle avec Jésus présent dans le Saint-Sacrement. Dès avant six heures, j’étais là devant lui, je commençais par réciter le bréviaire puis je ruminais quelques instants une page d’Évangile et je restais-là devant lui dans un tête-à-tête fabuleux. Je fermais mes yeux, mais je voyais le Saint Sacrement et la présence de l’Innocent crucifié qui s’approchait de moi. L’amour et la miséricorde qui jaillissaient de son cœur transpercé coulait comme du feu dans mon cœur, inutile de dire quoi que ce soit, nous ne faisions plus qu’un dans le silence : Lui près de moi et moi près de Lui. Ce feu d’amour venait me purifier de mon péché et m’unir à Lui dans le silence et nous restions là ensemble une bonne heure avant que je parte pour célébrer l’eucharistie avec les deux vicaires généraux et un jeune prêtre étudiant à Rome, nous étions alors en communion avec tous ceux et celles qui participaient par les médias à l’unique sacrifice de la Croix dans le sacrifice eucharistique. Nous étions tous au pied de la Croix à la source de la Vie, moment de grande joie de communion et de fraternité.
Chaque jour, à l’heure de la sieste, j’avais de nouveau rendez-vous avec Lui. Je commençais ce nouveau temps de communion par la lecture d’une page du Bienheureux Charles de Foucauld, puis parfois pendant quelques minutes le sommeil prenait le dessus, ensuite je goûtais de nouveau la joie d’être là, de demeurer avec Lui, en Lui. Je ne vois rien, je ne sens rien, mais je sais qu’il est là ! Y a-t-il quelque chose de plus important dans notre vie que cette communion dans l’Amour, gratuitement, pour Lui ? Toute ma vie était alors habitée par sa présence et son amour, je gardais toutes mes limites, mon tempérament, mes réactions vives, mais cette présence transfigurait tout et donnait sens à cette pandémie.
Une semaine avant Pâque, j’ai eu un échange téléphonique avec le Préfet, nous avons parlé de l’urgence de rejoindre les plus démunis pour leur apporter de l’aide alimentaire. Le lendemain, le lundi saint, je décidais de l’urgence de voir avec les doyennés et les paroisses comment mieux venir en aide aux familles dans le besoin ; il y avait là une urgence, une priorité. Avec Hina Lefrançois, nous en avons parlé et le Vendredi saint, j’écrivais un courrier aux vicaires épiscopaux pour lancer cet appel. Dans la lumière de Pâques, les prêtres ont été alertés, une chaîne de charité s’est mise en place : de la banque alimentaire à l’archevêché puis dans les doyennés et les paroisses avec des bénévoles, des prêtres et des diacres, et même une participation de nombreux prêtres pour financer l’achat à la banque alimentaire de produits de première nécessité. Aujourd’hui, deux fois par semaine une équipe va à la banque alimentaire, les surplus provenant de l’Europe et d’un certain nombre de grandes surfaces sont chargés, répartis dans les huit doyennés qui les partagent entre les paroisses et des sacs alimentaires sont portés aux familles dans le besoin. Quelle joie de voir nos paroisses vivre une authentique diaconie et un prêtre m’a écrit : “je redécouvre la joie de rejoindre les plus pauvres aux périphéries, la joie de me laisser enseigner par eux tout en leur apportant une aide non négligeable”. Mon souhait est vraiment que ce service de la charité puisse perdurer au moment où le chômage explose et où la pauvreté laissera sur le bord de la route bien des gens. N’abandonnons pas la diaconie à des ONG, fut-ce le Secours Catholique, nos paroisses doivent continuer à rayonner la charité du Christ pour la joie de tous, même des chrétiens qui redécouvrent ainsi la dimension de la charité et la joie de rejoindre le Christ à travers ce service, cette diaconie, une dimension fondamentale de notre vie en Christ.
+ Jean-Pierre Cattenoz,
archevêque d’Avignon