La différence avec ses missions antérieures est que Samos est en Europe et, de fait,les personnes qui s’y trouvent sont déjà parties de chez elles, la Grèce étant, pour elles, une étape pour continuer la route, dans l’espoir que leur demande d’asile pour l’Europe soit acceptée. Malheureusement, elles y restent souvent des mois ou des années, dans une inactivité totale. Le camp de Samos mixe de nombreuses communautés, avec environ un tiers d’Afghans, un tiers de Kurdes et Arabes (de Syrie, Palestine, Irak), et un tiers d’Afrique noire (Congo, Cameroun).
« L’idée de ma mission est de se faire toute à tous ! La compassion est pour moi universelle, au-delà de toute confession ; et je veux être, au milieu de toutes ces personnes en souffrance, une présence d’espérance ! »
Sur le camp de Samos, les conditions de vie sont catastrophiques : des poubelles partout, des rats, pas d’eau potable sauf sur la petite partie officielle du camp, pas d’électricité, des conditions climatiques extrêmes et difficiles pour une vie sous bâches.
« C’est insalubre, précaire, inhumain, indigne de l’Europe, d’accueillir des êtres humains dans ces conditions. L’Europe donne beaucoup d’argent pour s’occuper de ces personnes, mais que ce soit la Grèce ou l’Italie, ces pays n’ont pas le beau rôle et font ce qu’ils peuvent. Tout le monde est épuisé et dépassé par cette situation très difficilement gérable. D’ailleurs, je n’ai eu de cesse de demander pardon pour les conditions d’accueil horribles que l’Europe offre à ces personnes, après tous les traumatismes vécus, que ce soit durant le voyage ou en fuyant guerre et torture. »
La mission, c’est ainsi offrir ainsi de l’écoute, de l’amitié, qui permettent ensuite la joie, la fraîcheur, comme ces deux enfants irakien et syrien, qui viennent chez Sistou (Sœur Carine) pour jouer aux cartes !
« C’est avant tout être, être au milieu d’eux pour leur donner la force de la Résurrection, la force de la lumière au milieu des ténèbres. »
« A Noël, un tremblement de terre et un tsunami ont détruit l’unique église catholique de l’île, et ainsi, a été construite, au cœur du camp, une petite chapelle, avec les moyens du bord et l’ingéniosité de certains ; mon binôme sur place, le Père Tony, jésuite, a permis de mettre du beau, de la joie, de la paix et de l’espérance avec une liturgie soignée pour Noël, un bon repas, une vigile et l’exposition du Saint Sacrement la nuit du 31 décembre. »
Les fioretti sont nombreux pour Carine : « Un Palestinien, qui avait été gardien de l’église de Bethléem, est venu nous souhaiter un joyeux Noël : vrai cadeau venant d’un Palestinien ! » ou encore : "Un ami camerounais, très bagarreur et redouté dans le camp, est venu aider à la construction de la petite chapelle et a fait ainsi un chemin de conversion tel qu’il a reçu le baptême à Pâques dans le camp, tout joyeux d’avoir rencontré Jésus et d’être aimé de Lui : un être complètement transfiguré !
Le Seigneur agit et met sa grâce dans le cœur de ces personnes. Rien n’est impossible à Dieu, je suis sans cesse témoin de cela."
Et quand on demande à Carine comment elle fait pour vivre dans un camp, elle répond :
« Quand tu vis dans les mêmes conditions et connais les personnes par leur prénom, ces personnes deviennent mes frères et sœurs, frères et sœurs en Jésus, et cela, même avec les non-chrétiens ! Et voir comment ces gens qui ont tout perdu, sont encore souriants et se raccrochent à leur foi, cela touche mon cœur et ravive ma propre foi ! »
Résumé d’un entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le taire » sur RCF Vaucluse,
par Sylvie TESTUD