Au lendemain de la Veillée Pascale, durant laquelle le rite de l’aspersion nous a revigoré, nous voici déjà entrés dans la période ensoleillée du printemps et de l’été provençaux : c’est-à-dire lumineux, venteux et … secs. Il ne pleut pas assez pour reconstituer nos réserves phréatiques, tout au plus pour aider les jeunes pousses à démarrer. Cela permet de tenir en surface, mais ce n’est pas suffisant pour durer toute la saison ; cela permet d’assurer un minimum, mais ce n’est pas suffisant pour répondre à une vraie ambition. Comme une vieille habitude humaine que nous pratiquons régulièrement et qui nous évite de nous poser les bonnes questions. Je le vois dans la règlementation dite écologique pour la construction. L’Etat pose un minimum en dessous duquel l’entrepreneur tombe dans l’illégalité : c’est dire à quel point son résultat serait médiocre sous ce minimum ! Mais au lieu d’y voir un seuil d’indécence et une énorme marge de progression, la validation au plus juste et au plus proche du minimum semble être satisfaisante, suffisante, probante. Quelle ambition ! Quelle audace dans les projets ! L’exemple est transposable dans beaucoup de sujets, y compris la Mission. Nous avons été baptisés prêtres, prophètes et rois, non pas pour nous contenter d’un frileux témoignage de surface, à peine irrigué des sources de l’Esprit Saint, mais bien pour puiser dans l’eau jaillissante du côté du Temple et, d’un fleuve immense, inonder les nations ! En toute sécurité et béatitude, bien sûr.
... C’est toi qui m’aurais demandé à boire.
Nous le savons bien, ce manque d’eau, source de vie, met en évidence qu’il ne s’agit plus de palier au fur et à mesure, de trouver des subterfuges et solutions d’urgence, mais d’engager un renouvellement profond et durable de nos manières de consommer et de produire, d’une part, mais aussi d’être au monde.
J’ai d’ailleurs été assez étonnée de découvrir, dans les 4 scénarios proposés par l’ADEME pour une transition à l’horizon 2050, sobrement intitulés « choisir maintenant – agir pour le climat », que seuls 2 scénarios limitent le recours à l’irrigation. Dans le bilan comparé des 4 scénarios, les besoins en eau pour l’irrigation passent de 2.7 à 3.07 pour le scénario « Technologies vertes », et de 2.7 à 4.5 pour le scénario « pari réparateur » qui favorise une agriculture intensive. Nous voilà bien ! Les seuls scénarios « Génération frugale » et « Coopérations territoriales » réduisent les besoins respectivement à 1.85 et 2.28.
Le résumé de ces scénarios parle de gouvernance, économie, frugalité, technologies compétitives, bio, production, efforts, vite et profonds. Pas un mot sur la tempérance, la justice, la prudence, et même le courage (des choix ?). Pourtant les liens avec les vertus, notamment les douze vertus communes : l’affabilité, la discrétion, la bonhomie, la franchise, la loyauté, la gratitude, la prévenance, l’urbanité, la mesure, la placidité, la constance, la générosité me semblent évidents. Leur pratique ne peut que nous engager sur un nouveau chemin.
Un évêque sud-américain s’étonnait que l’on dépense des fortunes pour vérifier l’existence de traces d’eau sur d’autres planètes alors qu’il faudrait œuvrer à rendre l’eau accessible et potable ici-même, et de se demander s’il existe une forme d’intelligence sur Terre.
Nous, croyants qui avons la capacité de distinguer l’eau bénite de l’eau plate, nous ne pouvons rester immobiles et muets quand les autres ne s’abreuvent et ne vivent que d’un arrosage de surface. Aux initiatives pratiques comme l’installation de récupérateurs d’eau, l’aménagement de nos jardins paroissiaux avec des plantes résistantes à la sécheresse, le choix de tissus moins gourmands en eau (7 à 10 000L sont nécessaires à la fabrication d’un jean), etc., nous pouvons aussi ajouter le témoignage de la joie de l’Évangile, de la pratique de l’écologie intégrale, et des bienfaits que Dieu dispense avec générosité quand on se met à son école.
Pourquoi pas autour d’un célèbre apéritif, coupé à l’eau … !
Marie-Anne Molle